Cher Wanis,
Ton anniversaire est un rendez-vous important pour moi. Non seulement parce que tu es l’être qui m’a le plus touchée, le plus troublée, mais, aussi parce que j’ai, à cette occasion, quelque chose à prouver à moi-même et peut-être aux autres : je ne t’ai pas oublié. Ma lettre annuelle est un moment qui me conforte dans ma conviction : tu es mon enfant, mon aîné et un enfant ça reste toujours dans nos pensées, à chaque respiration, à chaque battement de cœur, à chaque pas dans la vie, à chaque projet, à chaque rumination mentale la nuit en attendant les bras de Morphée. Pour moi, tu existes et tu continueras d’exister.
Cette missive du 6 décembre est aussi une réplique à tous ces gens gavés de certitudes qui me conseillent maladroitement de tourner la page. A ceux qui prédisent un oubli imminent au bout de quelques années ou à l’arrivée d’un autre bébé. Ils oublient que célébrer un mort n’est pas forcément synonyme de douleur et de deuil. Il peut être porteur de sérénité, voire de béatitude.
Un autre moment que j’attends avec foi et espoir : la visite de ta petite sépulture. C’est saisissant de savoir que tu es là à un mètre ou deux de la surface, entouré de mes photos, de ma lettre d’adieu, de ton jouet et que tu portes toujours le bonnet blanc que je t’ai enfilé délicatement le jour de l’enterrement. Bien sûr, je refuse d’admettre que ce couvre-chef en coton biologique doit être vide aujourd’hui, contenant à peine la poussière de tes ossements.
Avant d’entrer au cimetière, je passe chez le fleuriste du coin. Et à chaque fois, je me demande quel bouquet acheter pour témoigner de mon amour. Le plus cher ? Le plus grand ? Le plus beau ? Alors, je ferme les yeux pour ramener à mon esprit ta douce image et je les rouvre en évitant cette fois-ci d’inspecter les prix pour être guidée par le seul souvenir de ta personne…et c’est là que je trouve le bouquet qui ressemble le plus à mon Wanis. C’est souvent des anémones, des céraistes ou des achillées.
Au bord de ta tombe, je dis que tu me manques et je déballe tout… mes heurs et malheurs. Parfois, je te demande de m’aider à faire des choix... Je t’arrose ensuite d’eau et enlève les pierres, pas assez belles à mon goût, de la petite colline. En m’éloignant des lieux, je me retourne à plusieurs reprises car j’ai toujours le sentiment de ne pas rester assez longtemps, pas avoir assez profité de cette proximité.
Quand il fait beau, ce qui est rare sous les cieux nordiques, je suis contente pour toi. J’imagine les rayons du soleil transpercer la terre pour caresser ta peau et illuminer ton cercueil. Quand il neige, j’ai un pincement au cœur en pensant que tu es seul dans le froid et l’obscurité. Mais, ma consolation et que tu es enterré dans un endroit propre et vert où les vivants s’éclipsent pour laisser s’exprimer le silence des morts au milieu des gazouillis des oiseaux et du friselis des arbres.
Je t’aime comme je n’ai jamais aimé.
Ta maman
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