Cher
Wanis,
Adam |
Je
n’ai plus besoin de te dire que je pense à toi. Tu le sais, tu le sens. Et c’est
une pensée positive, apaisée et faite d’acceptation.
Depuis
ma dernière lettre, je continue à faire le jeu de la vie. Ton départ avait
ouvert la voie à plusieurs découvertes sur qui je suis, ce que j’attends de
moi-même et du monde. Ton départ m’a recadrée, m’a enlevé mon surplus de
confusion et de dispersion. C’était douloureux mais éducateur.
Le
déclic opère toujours. Je continue à m’alléger de mes apprentissages, de mes certitudes
et de mes excitations primaires. Je m’affranchis des regards et des préjugés.
Ce que je pense de moi doit me suffire. Et je nage, oui je nage. Dans l’eau
aussi. J’ai commencé mes séances en septembre. Je flotte et fais du crawl. Mon
corps et moi, nous cohabitons voici maintenant 36 ans. Et pourtant, nous
apprenons à nouveau à nous connaître. Nous développons de nouveaux codes en
milieu aquatique. Je vois mieux ses faiblesses et ses forces. Je casse ses
résistances. Il devient pâte à modeler. Quand le moniteur me demande, la
première séance, quel est mon objectif. Je lui dis : « devenir un
poisson ». Dans l’eau, je me vois en maquereau avec des branchies, des nageoires
et des écailles. Je développe petit à petit cette croyance qui m’aide à m’améliorer
rapidement. Mais je dois encore lutter contre le doute. Les poissons ne doutent
jamais. C’est pour cela qu’ils flottent éternellement dans les océans. Ils se
dirigent avec autant de foi vers un mollusque que vers la gueule du
squale. Ils auront vécu jusqu’au bout dans l’assurance béate.
Dès
que je doute, je redeviens étrangère à ce milieu liquide. Dans l’eau, l’intégration
se fait par la foi.
J’ai
inscrit Adam aussi à des cours de natation. Ça lui plaît. Il avance prudemment
et ça ne me dérange pas. Je veux qu’il prenne son temps, qu’il exerce la
lenteur que je n’ai pas connue à son âge et qui s’impose dictatorialement à moi,
adulte.
Adam
grandit et m’illumine. C’est un être humain à part entière depuis quelques
mois. Il s’exprime, pense, met des mots sur ses sentiments, réclame, se révolte
et se construit une mémoire. Jusqu’à pas longtemps, il oublie tout, tout de
suite. Désormais, il a des souvenirs.
J’ai
hâte de faire de la grande conversation avec lui, connaitre ses idées, ses
goûts et ses passions. Et bientôt je lui parlerai de toi. Ce sera au cimetière à
la période des fêtes.
Je
t’aime comme je n’ai jamais aimé
Ta maman
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