Cher
Wanis,
C’est
ton huitième anniversaire. Qu’est-ce que tu aurais été grand ! Je vois ton
frère qui a bientôt quatre et demi et qui est immense ! Je n’en reviens
pas de le voir courir, s’exprimer, aimer et bouder. Ses jambes s’allongent, ses
mains remplissent les miennes et le câlin est beaucoup plus capitonné. C’est
très agréable. Car avec un petit corps frêle, une accolade manque quand même de consistance.
Tel un rembourrage souffrant de creux par endroits. Plus de chair, plus de d’effusion
et plus de bonheur.
Sinon,
j’apprends toujours mon métier de maman. Adam m’apprivoise, me cadre. La boule tantôt
volante, tantôt bondissante de nerfs et d’empressement que je suis doit
refroidir, se poser. Attendre que les dernières graines du sablier se soient écoulées
et que le brossage des dents de lait soit fini. Qu’il saute du haut de chaque
boule-borne sur la chaussée ou qu’il se faufile entre les interminables potelets.
Qu’il finisse de battre trois œufs dont il renverse la moitié sur le plan de
travail.
Je
me mets à sa hauteur et, des fois, il se met à la mienne. Tel l’éléphant dans « Toi
grand et moi petit ». Je lui demande souvent pardon et il fait de même.
J’apprends
aussi à prioriser, à trier et à dégager les grands couloirs de ma vie. Élaguer la haie. Écrêter les dissonances. Assez de vivre en amatrice. Maman veut vivre
comme une pro. Un professionnel de la vie est peut-être un titre qui tutoiera
un jour la gloire, tout comme celui de coach.
Je
t’avais promis de parler de toi à Adam quand il parlera le langage des hommes.
Eh bien, c’est le moment. J’attendrai quand même de te rendre visite à Noël. Car maman reste théâtrale. Elle tient à son décor.
L’une
des meilleures inventions de l’humanité et de compenser l’absence par une
présence. Quand bien même ce serait les pierres d’une sépulture. Une fois que l’on
sait que c’est là, on s’accroche et on fait des kilomètres pour être le plus
près possible.
Tu vas l’entendre. Car tel que je le connais, il t’appellera, il
jouera avec les cailloux blancs de la tombe, il creusera avec ses gants et il
posera plein de questions.
Je
t’aime comme je n’ai jamais aimé
Ta maman Ahlam
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